15/10/2014

Patrick Chalhoub : "Il existe trois types d'acheteurs. La gazelle, le cheval et le faucon."

L'art de vivre au Moyen-Orient, c'est lui. Patrick Chalhoub, ambassadeur des plus grandes griffes de luxe au Moyen-Orient, vient de signer un livre blanc sur le luxe.

De la distribution au marketing, en passant par la vente au détail, le Groupe Chalhoub est depuis 1955 le partenaire privilégié du luxe au Moyen-Orient. Avec plus de 11 000 collaborateurs, 300 marques en portefeuille, la gestion de plus de 600 points de vente et une forte présence dans 14 pays, le luxe au Moyen-Orient passe nécessairement par Chalhoub. Belles Montres a rencontré Patrick Chalhoub pour parler de son livre blanc sur le luxe au Moyen-Orient.

LePoint.fr : Comment se comporte le marché du luxe au Moyen-Orient ?

Patrick Chalhoub : C'est une région dynamique, qui bouge énormément. La maturité du marché est proche de celle de la Russie, de la Chine et des pays émergents, où l'on retrouve des comportements similaires. On distingue plusieurs couches de clientèle, en fonction de leur éducation et de leur expérience. Certaines ont une approche "européenne" avec leurs propres opinions et une connaissance technique du produit, d'autres possèdent un côté ostentatoire, plus "m'as-tu-vu".

Quels sont justement ces différents profils d'acheteur ?

À la tête du groupe Chalbou, Patrick Chalhoub vient de signer un livre blanc sur le luxe au Moyen-Orient.
(photo: robe de soirée rose)

Dans le livre blanc Les Consommateurs de luxe des pays du Golfe, un monde à part, que nous venons de rédiger, nous relevons trois attitudes. Tout d'abord, il y a le profil que l'on surnomme "gazelle". La gazelle veut être à la mode, elle se tient au courant de ce qui se fait de beau, de nouveau, de différent. Elle veut affirmer sa personnalité, à la fois en se faisant plaisir et en se démarquant des autres. Vient ensuite ce qu'on appelle le "cheval". Vous savez celui qui conduit uneFerrari en or ! Ce type d'acheteur pense systématiquement à ce que les autres vont penser de lui. Tout ce qui l'intéresse, c'est le statut qu'il va représenter aux yeux des autres. Enfin, le troisième profil, dit "le faucon", achète selon la règle du "le plaisir pour soi". Il incarne la nouvelle tendance du marché qui a longtemps été dominé par le "cheval". Le faucon ne dépense pas son argent sur un produit parce que c'est le plus beau ou le plus cher, mais parce qu'il est convaincu par ce produit, parce qu'il lui plaît.

Et la femme dans tout ça ?

Auparavant, la femme avait une attitude timide et discrète, bien loin du côté fanfaron que pouvaient avoir les hommes. Aujourd'hui, on la retrouve de plus en plus dans la première catégorie ("gazelle"). Elle se renseigne sur les produits et affiche un véritable désir de se démarquer des autres. C'est une véritable révolution liée à son éducation. Les femmes sont très curieuses et souvent les meilleures en classe dans les écoles, ce qui leur permet de s'émanciper de plus en plus dans les différentes sociétés du Golfe. D'un côté, elles respectent les traditions et, de l'autre, elles désirent affirmer leurs personnalités et montrer qu'elles existent. Dans cette transformation, on assiste à des scènes amusantes encore impensables il y a quelques années. Il n'y a même pas trente ans, l'homme entrait dans une boutique et décidait pour lui et sa femme. Dans nos stratégies de vente, même pour les parfums, on ciblait beaucoup plus les hommes, car ils achetaient pour eux et pour leurs femmes. Désormais, même si la femme ne paie pas, et encore, cela se développe, c'est elle qui prend la décision de ce qu'elle a envie et qui conseille son mari.

Quelles sont les règles à respecter pour pouvoir vendre au Moyen-Orient ?

Il y a quelques jours, j'apercevais dans un café un prince saoudien faire la bise à l'un des serveurs et le prendre dans ses bras. C'est ça, la règle la plus importante. Bâtir une relation personnelle, quelle que soit la hiérarchie. C'est indispensable. Une fois bien implanté grâce à ces relations, il ne faut pas oublier d'offrir une expertise de qualité. On ne peut pas vendre sans substance. Le client affiche de plus en plus d'exigences et pose des questions techniques. La part affective ne suffit plus, il faut être capable de répondre à ses demandes de manière irréprochable.

Quel est le secteur du luxe le plus important dans la région ?

Le marché se divise en trois secteurs : mode, parfums et produits de beauté, bijoux et montres. Au Moyen-Orient, la répartition est plutôt homogène. La mode prédomine avec environ 40 % de part de marché, suivie des bijoux et des montres (35 %), puis des parfums et des produits de beauté (25 %). Il ne faut pas oublier que l'horlogerie et la joaillerie sont très souvent utilisées pour faire des cadeaux, c'est quelque chose d'ancré dans la tradition. Ce qui explique une telle présence. Mais, attention, cela n'a rien à voir avec la corruption que l'on peut trouver dans certains pays d'Asie.

La mode se développe à grande vitesse et va très certainement creuser un écart conséquent avec les autres secteurs dans les années à venir. C'est une tendance qui s'inscrit dans l'attitude du consommateur qui se dirige vers le plaisir pour soi. Les ventes de tout ce qui est sacs, chaussures et accessoires continuent de progresser, tandis que la mode purement féminine connaît une croissance exceptionnelle. Comme nous l'évoquions tout à l'heure, la transformation de son statut dans la société et la volonté de s'affirmer permettent au secteur de la mode de grandir rapidement. Là où les femmes portaient une simple robe sous l'abaya, on trouve désormais des clientes avec des vêtements qui correspondent à leur personnalité. Et cela n'a rien à voir avec une occidentalisation des moeurs mais plutôt avec une maturité de la femme, qui s'assume beaucoup plus.

Quel intérêt pour une marque de faire appel au Groupe Chalhoub plutôt que de s'implanter au Moyen-Orient par ses propres moyens ?

Nous réfléchissons constamment à la valeur ajoutée que nous pouvons apporter, car le marché change constamment. C'est pour cela que nous établissons une relation dynamique avec nos clients. Notre stratégie s'articule en trois axes majeurs. Dans un premier temps, nous apportons notre connaissance de la région et des différentes complexités locales. Je me bats au quotidien pour les décomplexifier ! Le Golfe évolue très vite, certains pays possèdent une forte population de jeunes, d'autres sociétés sont dirigées par des règles souvent obsolètes pour des Occidentaux. Le plus important, c'est d'anticiper les différentes évolutions, avoir un temps d'avance et rester lucide par rapport aux acheteurs, au marché et à l'appétit des marques.

Dans un second temps, notre force réside dans nos ressources humaines. Plus de 11 000 hommes et femmes passionnés et motivés travaillent au sein du Groupe Chalhoub. Nous avons également fondé une école, la Chalhoub Retail Academy, afin de former au mieux nos collaborateurs. Chaque employé du groupe reçoit une formation dans une Retail Academy et en ressort avec des qualifications reconnues à l'international. Enfin, nous avons des infrastructures solides dans toute la région du Moyen-Orient. Nous pouvons assurer le transport, la livraison et la communication entre tous nos points de vente. Il est pour nous indispensable de connaître l'ADN des marques et de comprendre leurs besoins. Nous sommes implantés, agiles, adaptables.

Que pensez-vous du e-commerce ?

Je suis partisan d'un monde à la fois réel et digital. Le consommateur se renseigne sur Internet, puis se rend en boutique et touche avant d'acheter. De même qu'il peut essayer son produit en boutique, puis regarder où il est le moins cher et ensuite l'acheter en ligne s'il y trouve la meilleure offre. Le digital sert au réel, de même que le réel sert au digital. Et pour être totalement honnêtes avec vous, nous allons nous lancer sur le e-commerce très prochainement.

Quel est le challenge de demain pour le Groupe Chalhoub ?

Nous avons trois challenges à relever. Tout d'abord, comprendre l'évolution de la clientèle. Comme la présence de plus en plus forte des femmes sur le marché du travail et de populations de plus en plus jeunes. Ensuite, faire face à la concurrence, car les marchés du Moyen-Orient sont très ouverts avec des appétits variables. Et pour finir, nous devons nous efforcer de continuer à trouver les bonnes ressources. Par ressources, j'entends décrocher les bons espaces et les personnes les plus compétentes. Les clients sont fidèles aux lieux, aux marques et aux vendeurs. Ils doivent se sentir à l'aise et être bien accompagnés autant sur le plan humain qu'à travers un conseil de qualité.

voir aussi: robe soirée jaune

08:11 Publié dans Mode | Tags : mode | Lien permanent | Commentaires (0)

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