19/08/2014

Lily Allen montre un sein sur scène : chez elle, c'est presque une philosophie

LE PLUS. Et de deux. Pour la deuxième fois, et avec la même tenue, la chanteuse Lily Allen a dévoilé un sein en plein concert. Peut-on parler de récidive ? La comparer à Sophie Marceau ? Autant de questions cruciales auxquelles Francis Métivier, philosophe, répond.

Le "wardrobe malfunction" désigne un incident vestimentaire volontaire ou involontaire (c’est là toute son ambiguïté et son intérêt) laissant apparaître une partie du corps – très souvent un sein – qu’il faudrait cacher en public.

Il peut s’agir, selon l’intelligence de son intention et l’esthétique de sa réalisation, d’une véritable attitude doublée d’un style. Exemple avec Lily Allen.

Une attitude, un style, un choix assumé

photo: robe chic pas cher

Lily a remis au V Festival la tenue qu’elle avait déjà au Bangerz Tours de Miley Cyrus. Une tenue argentée, moulante et zippée, qui peut s’ouvrir du cou jusqu’au bas du ventre. Avec rien en dessous. Est-ce de la récidive ? Non car parler de récidive reviendrait à réduire la posture de Lily Allen à un fait people.

Or il ne s’agit pas là d’un simple événement, encore moins d’un événement malencontreux, mais d’une attitude et d’un style. Scène, chant, corps, habit, esprit, corps nu sous l’habit, chaleur, musique, mouvement.

D’ailleurs, les paroles du titre de son dernier album, "Sheezus", annoncent clairement la philosophie de cette attitude :

"Been here before, so i’m prepared" (J’ai déjà été là, donc j’y suis préparée)

En même :

"I’m ready for all the comparaison" (Je suis prête pour toutes les comparaisons)

Il est vrai que Lily n’est pas la seule star à faire dans la démonstration mammaire. Bref, elle agit en toute connaissance de cause. Son sein nu fait partie de son dress code.

Autrement dit, contrairement à ce qu’écrit la presse, "rien ne sert de leçon à Lily Allen" – ce qui laisserait supposer qu’elle ait commis une faute – la chanteuse assume la leçon du premier essai, la confirmation de sa posture.

Parler de "wardrobe malfunction" est un contresens

Il n’y a pas d’attitude en soi. Une attitude est toujours orientée vers un objet et la réalisation d’une intention. Le style est la manifestation personnelle, reconnaissable de l’attitude. Se faire reconnaître, c’est agir au moins deux fois. Ceci explique cela.

L’attitude est toujours préméditée : c’est une stimulation face à un public – ou une presse – censé fournir une réponse. L’expression d’un état d’esprit, d’un mode de pensée et de vie face à une valeur commune. La valeur en jeu ici est la pudeur – on ne montre pas ses seins en public. Et l’attitude consiste à les montrer, ou plutôt à faire en sorte qu’ils soient vus. Bon, mais il y plusieurs manière de faire.

Lily Allen a mis sur scène un habit conçu pour que l’on puisse apercevoir ses seins. Parler de "wardrobe malfunction" est en fait un contresens. "Voici" a tout autant tort de titrer "Oops, she id it again".

En effet il y a une différence entre ce que nous pourrions appeler le "sein-mine-de-rien" et le "sein-oops". Le "boop-oops", devrais-je dire…

L’archétype du "sein-mine-de-rien" nous renvoie à Jane Birkin au bras de Serge Gainsbourg qui laisse apercevoir un sein, sans vraiment s’en rendre compte. Elle s’en fout et Gainsbourg aussi.

En revanche, quand Sophie Marceau dévoile son sein, robe appropriée, petit coup d’épaule et chute de la bretelle, elle représente le concept de "boop-oops". Un sein inattendu attendu qui pose un bel oxymore : le jeu de la sincérité, la simulation d’un surgissement authentique.

Dans les deux cas, c’est calculé pour. Mais les deux démarches sont radicalement différentes. Pour le "boop-oops", quand le sein est dévoilé, on fait semblent de s’étonner. Oops… Alors que pour le "sein-mine-de-rien" la fille s’en tape. Elle se comporte à la fois comme si de rien n’était et comme si ce n’était rien. C’est porteur d’une élégance. Quand le "boop-oops" peut être parfois assez vulgaire.

People vs Pop culture

Aussi faut-il distinguer faire voir ses seins, ou les montrer, et laisser apercevoir ses seins. Si l’on veut une comparaison avec le sexe, Sharon Stone dans "Basic Instinct" ne fait pas voir, ne montre pas, mais laisse apercevoir. Le porno, lui, montre.

Alors au moralisme des journaux qui s’offusqueraient presque des représentations qu'ils divulguent, préférons avec discernement ce qui est, non pas people, mais pop, culture pop, philo pop. L’occasion de réfléchir sur le sens des postures publiques du corps.

Bon, ces revues ont le mérite, au moins, de nous donner des informations. "Fuck you very very much". Oops... thank you very very much.

voir aussi: robe dos nu

08:00 Publié dans Mode | Tags : mode, peau | Lien permanent | Commentaires (0)

Les commentaires sont fermés.